crise ETO - Qu'est-ce qu'est ? Alimentation

Des aliments qui étaient supposés être retirés du marché depuis des années, en raison de leur contenance en oxyde d’éthylène (ETO), un désinfectant cancérigène, sont en fait toujours en commercialisation, sans que la population en soit avertie. Pourquoi et surtout comment ? Une crise pourrait bien en résulter, d’autant que la pression des opérateurs sur la Commission Européenne pourrait obliger celle-ci à fermer les yeux. On vous explique tout sur la crise ETO.

Qu’est-ce que la crise ETO ?

L’oxyde d’éthylène, autorisé ou non ?

Il y a plusieurs années, l’oxyde d’éthylène, parfois appelé par son diminutif ETO, un pesticide, était autorisé en Europe. Depuis 2002, il a été interdit par les autorités publiques en charge de son analyse à cause de ses risques cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR), et cela, peu importe la quantité utilisée.

Mais cette année 2021, en Belgique, le Food and Feed Safety Alerts (RASFF) a lancé l’alerte auprès des autorités sanitaires françaises, concernant une teneur trop élevée en ETO dans certains lots de graines de sésames importées. Des contrôles ont alors été menés et la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF) a montré que d’autres produits, comme le psyllium, étaient susceptibles d’être contaminés.

Si depuis septembre 2020, la France applique la loi obligeant à rappeler les quelques 6000 références illégalement traitées à l’oxyde d’éthylène, ce n’est pas le cas de tous les États. De nombreux pays européens ont continué et continuent à commercialiser ces produits dits dangereux, sans les retirer du marché malgré l’interdiction, et sans prévenir les éventuels consommateurs, ce qui constitue une grave entorse aux articles 11 et 14 de la règlementation européenne sur la sécurité sanitaire UE 178/2002.

Quelles réactions de la CE ?

Depuis le 29 juin 2021, le sujet a été remis sur le tapis et fait débat à Bruxelles. On s’attendait à ce que la Commission harmonise les réactions dans l’Union Européenne, mais Foodwatch a découvert via plusieurs documents que rien n’était moins sûr. Le sujet risque notamment de créer une crise Européenne sans précédent, car les États Membres et la Commission Européenne pourraient décider d’assouplir les règles et de continuer à autoriser la mise sur le marché des produits non conformes.

En particulier, ils seraient moins regardants sur les produits qui n’ont pas été rappelés, préférant laisser les stocks s’écouler, pour lesquels les opérateurs en charge à l’époque n’avaient pas réussi à mesurer la contamination, car elle était en dessous du seuil détectable, c’est-à-dire 0.02mg/kg. C’est à ce niveau-là qu’est intervenu Foodwatch, l’organisation européenne de défense des consommateurs, qui n’est pas d’accord avec le prétexte et qui a donc interpelé la Commission Européenne en ce sens.

En outre, deux substances concernées par la contamination, la farine de caroube et la gomme de guar, sont utilisées en tant qu’épaississant, dans des laits infantiles antirégurgitation de premier et second âge.

Les dangers de l’oxyde d’éthylène

L’oxyde d’éthylène est un désinfectant cancérogène, mutagène et reprotoxique interdit en Europe.

Si le sujet fait autant débat, c’est malheureusement parce que plusieurs individus au sein de la communauté scientifique, mais aussi des professions agroalimentaires, ne sont pas d’accord sur les effets de l’ETO. Certains fabricants minimisent ainsi les risques pour la santé, tandis que des professionnels de la sécurité sanitaire sont en alerte maximale.

Il semblerait que certains toxicologues considèrent que l’ETO n’est quasiment plus présent dans les aliments, car il s’évapore à 10,4° (sauf sous la forme de son métabolite, le 2-chloroéthanol) et qu’en plus, il n’est pas dangereux pour la santé à l’état de trace. Cependant, ces affirmations datent de 2007 et 2012. De nouvelles études ont dû voir le jour depuis ces avis obsolètes.

Un rapport de l’ANSES[1] publié sur le site de Foodwatch a d’ailleurs établi l’avis suivant : en page 5, on constate que l’oxyde d’éthylène présenterait des dangers pour la santé et ce, sans seuil de dose, donc même avec un très faible niveau d’’exposition, l’ETO accroit le risque de cancer.

Pourquoi les aliments contaminés étaient encore autorisés ?

Même les inspecteurs de la Répression des Fraudes n’a pas la réponse à cette question. Comme beaucoup d’acteurs dans ce débat, ils ne comprennent pas que la décision ait été prise de condamner et de rappeler des substances toxiques pour finalement les tolérer dans certains produits provenant d’autres pays.

D’après les enquêtes, ces non-conformités dateraient d’au moins 2019, mais peuvent être apparues bien avant, tant il est difficile de dater avec précision les premières fraudes. Ceci a pour conséquence une exposition à l’ETO bien plus importante que prévue, mais aucune étude à ce sujet, ce qui est à la fois curieux et anormal. En tout cas, ceux qui en profitent le plus sont bien entendu certains lobbies et l’industrie agro-alimentaire.

Bien sûr, les différents opérateurs se rejettent la patate chaude. Qui est responsable ? Fabricants, importateurs, distributeurs, tous éludent la question, comme lors des crises sur la vache folle, la viande de cheval, le fipronil. Difficile dans ces conditions d’appliquer des sanctions.

L’impact sur la nutraceutique

Non seulement la confiance et la crédibilité des opérateurs a été entachée, malgré le peu de médiatisation, mais l’impact financier est catastrophique. Le coût des retraits, rappels et destructions des produits non conformes s’élèvent à hauteur de centaines de millions d’euros.

Liste des aliments contaminés à l’ETO

Les produits contaminés à l’oxyde d’éthylène sont nombreux et variés, allant des glaces ou du café aux épices telles que poivre ou gingembre.

Nous vous dévoilons ici une liste non exhaustive des matières exposées, éditée par le site Synadiet en septembre 2021 :

Orange, citron, mélatonine végétale, ashwaganda, curry, muscade, café, pipérine, cannelle, gingembre, poivre, carbonate de calcium, cardamome, ginseng, psyllium, carbonate de magnésium, gomme de caroube, gomme de guar, spiruline, céleri, gomme de xanthane, thé, hibiscus, chlorelle, levure de riz rouge, lin, curcuma, bambou, maté…

Vous pouvez retrouver la liste officielle régulièrement mise à jour sur le site du gouvernement français.

Quid des produits contaminés à l’oxyde d’éthylène ?

La Commission Européenne assure avoir finalement harmoniser la gestion de la crise ETO entre tous les États Membres de l’Union Européenne. En juillet 2021, il a été décidé que toutes les denrées alimentaires avec présence avérée d’oxyde d’éthylène seraient retirées du marché. Chaque lot livré depuis le 13 juillet sera analysé par un laboratoire accrédité. L’organisation Foodwatch exige une communication express et transparente de la part des autorités compétentes. LEPIVITS met tout en oeuvre pour contrôler chaque lot de matières premières afin de garantir la sécurité des consommateurs.  

Concernant les produits intégrés dans les laits infantiles, cette affaire en particulier sera plus sensible. Il sera demandé aux fabricants de communiquer en toute transparence les coordonnées de leurs fournisseurs de farine de caroube et de gomme de guar.

[1] https://www.foodwatch.org/fileadmin/-FR/Documents/anses.pdf